Rêves de Gloire, de Roland C. Wagner

Dans l'Algérois resté français après la mort du général De Gaulle en 1960, un collectionneur de disques tombe sur un vinyle qu'il ne connait pas en consultant un site d'enchères sur internet. Intrigué, il cherche à en savoir plus, mais il se rend vite compte que ce disque porte malheur à quiconque l'a entre les mains. Mais cet album, "Rêves de Gloire" des Glorieux Fellaghas, a-t-il un lien avec les événements qui se sont produits dans le pays quelques années auparavant ? Le mystère reste entier...

Le moins que l'on puisse dire, c'est que Rêves de Gloire n'est pas un livre facile à chroniquer.

illustration de Gilles Francescano
Déjà, il y a l'émotion qui envahit le chroniqueur à chaque fois que celui-ci pense à l'auteur de ce merveilleux roman qui a reçu, entre autre, le prix Utopiales en 2011 (j'y étais !). En effet, est-il utile de rappeler que Roland C. Wagner, l'un des plus grands noms de la science-fiction francophone contemporaine, nous a quitté un satané jour d'août 2012 ? 

Ensuite, il y a la difficulté de rendre compte d'un livre qui est tout sauf linéaire. Contrairement à ce que pourrait laisser penser le petit résumé qui introduit cette chronique, ce roman de près de 700 pages ne se focalise pas sur un seul personnage, ni sur une seule époque. Bien au contraire ! Dans Rêves de Gloire, plusieurs fils narratifs se croisent et s'entrecroisent sur plusieurs moments de l'histoire qui nous est narrée ici, ainsi que sur plusieurs moments de l'Histoire alternative qui nous est proposée. Comme on l'imagine aisément, tous les fils vont finir par se recouper. C'est d'ailleurs l'une des grandes forces de ce roman : laisser voir alternativement plusieurs morceaux d'un grand tout, un peu comme des pièces d'un gigantesque puzzle que l'on découvre au fur et à mesure. Et ce qui est le plus admirable encore dans ce livre, c'est que malgré l'hermétisme de l'intrigue (du moins au début) mise en place par l'auteur (qui connait parfaitement son sujet, étant né sur place en 1960 et ayant regroupé une documentation très importante), malgré la complexité de l'Histoire réinventée (parce que même (ré)inventée, l'Histoire ne peut être que complexe), malgré la forme assez périlleuse, pour ne pas dire casse-gueule, choisie par Wagner (chaque protagoniste parle à la première personne du singulier et n'est jamais nommé), jamais le lecteur ne se trouve perdu dans cette accumulation de complexité qui pourrait, rapidement, devenir rédhibitoire. Bien sûr, le lecteur peut s'y perdre un peu lorsqu'il passe d'un personnage masculin à un personnage féminin, d'une époque à une autre. Je mentirais si je disais que j'ai tout compris, tout de suite... Cependant, au final, alors que toutes les pièces se trouvent enfin en place, que le lien entre tous les personnages s'est enfin établi, que la grande fresque uchronique est enfin déroulée sous nos yeux, on ne peut s'empêcher de pousser un "Waow !" de satisfaction. Car oui, pour une fois, la quatrième de couverture (je ne les lis même plus) n'est pas mensonger : "Rêves de Gloire" est un roman jubilatoire !

Enfin, il y a la confession que doit ici faire le chroniqueur par rapport à ce bouquin qu'il ne voulait pas lire, à cause du thème principal dans lequel baigne en permanence ce roman : le rock. Comme je le disais dans la chronique précédant celle-là, ce n'est pas vraiment ma tasse de thé, la musique, et ce livre ne parle que de ça. Pour les non-initiés, il faut dire que Roland C. Wagner avait deux passions culturelle dans la vie : la SF et le rock and roll (il fut même un temps le chanteur/parolier d'un groupe : Brain Damage). Les 700 pages de ce roman sont donc un vibrant hommage à ces deux pôles de l'immense culture de cet auteur aussi gouailleur qu'intelligent. D'ailleurs, et je ne m'attarderais pas trop longtemps sur ma vie privée rassurez-vous, les quelques mots que j'ai pu échanger avec Roland un jour aux Utopiales avaient un rapport avec le rock. Et pourtant, je ne peux pas dire que, personnellement, ça me passionne. Et c'est bien pour ça que, malgré le contexte (même revisité) de la guerre d'Algérie (à laquelle mon père a laissé une partie de sa jeunesse), je serais passé à côté de ce roman... s'il n'y avait eu Bifrost. Oui, le Bifrost n°69 dont le thème principal était les interactions entre la SF et la culture rock, où Rêves de Gloire avait une place de choix. Bon, Bifrost et aussi un peu la médiathèque de ma ville qui le proposait à l'emprunt (heureusement d'ailleurs car 25€, même pour un roman de cette taille, s'avère une sacrée somme pour un bouquin non traduit ; ce sera d'ailleurs la seule critique négative que je pourrais faire à Rêves de Gloire).

Voilà, vous l'aurez compris, je ne saurais trop vous recommander la lecture de ce formidable roman qui se révèle d'une beauté incroyable de bout en bout. Un grand oeuvre à lire de toute d'urgence !

note : IV

A.C. de Haenne





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Commentaires

  1. Un beau boulot de tissage d'histories en effet, et un très bon livre.

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    1. C'est incroyable comment l'auteur est parvenu à rendre ça vivant et palpitant, là où bon nombre se seraient viandés lamentablement. Du grand art !

      A.C.

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  2. Réponses
    1. Ben oui, je ne peux qu'être d'accord avec toi. En relisant les commentaires qui suivent ton articles, j'ai toujours un petit pincement au cœur...

      Pour les curieux : http://www.traqueur-stellaire.net/2011/04/reves-de-gloire-roland-wagner/

      A.C.

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  3. Réponses
    1. Ah oui, le genre de montagne que tu ne peux pas contourner. J'ai vu qu'il faisait partie de ta meilleure lecture de 2012...

      A.C.

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  4. Une chronique enthousiaste qui donne franchement envie d'acheter cet énorme pavé.

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    1. Merci. Si je t'ai donné envie de le lire, c'est le plus beau compliment que tu puisses me faire.

      A.C.

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