H.P.L., de Roland C. Wagner

Dans cette courte biographie de Howard Phillips Lovecraft, l'un des auteurs les plus remarquables du XXème siècle, Joseph Edward nous apprend que le gentleman de Providence est décédé en 1991, à l'âge de 101 ans. Et c'est peu de dire qu'il a eu une vie vie bien remplie. Au niveau littéraire, bien sûr, influençant bon nombre de ses collègues écrivain, Philip K. Dick pour n'en citer qu'un. En politique, après avoir éprouvé quelques sympathies pour un certain Adolf Hitler, notre homme change pour devenir un humaniste polémiquant avec l'un de ses collègues, Robert Heinlein, plus porté sur le totalitarisme...

illustration de Caza
Sauf que tout ceci n'est qu'une mystification. Ou, du moins, une nouvelle uchronique en forme de biographie, où l'un des points de divergence serait le cancer de Lovecraft qui, dans la vie réelle, l'emporta le 15 mars 1937. Dans l'histoire écrite par Roland C. Wagner, non seulement l'auteur de Providence a survécu à sa maladie, mais en plus a vécu plus que centenaire.

Dans ce court texte d'une grosse vingtaine de pages (que les éditions ActuSF ont eu la bonne idée de publier en version bilingue, la traduction étant effectuée par un fameux traducteur, Jean-Daniel Brêque), on sent que l'auteur s'est fait plaisir à retravailler le matériau "Lovecraft" à sa sauce, prenant un malin plaisir à le rendre beaucoup plus conforme à l'idée qu'il se fait d'un écrivain ; c'est-à-dire engagé et de gauche. Car on sent à quel point Wagner aime le père de Chtulhu, même s'il n'ignore pas (bien sûr !) la part d'ombre de celui-ci : son antisémitisme, son admiration pour le chancelier Hitler (même si, dans la vraie vie, H.P. Lovecraft n'a pas connu les horreurs de la seconde guerre mondiale et l'application du programme de Mein Kampf).

Dans H.P.L., l'auteur français se fait plaisir en faisant du reclus de Providence un auteur ouvert, libéral (au sens étasunien du terme), qui se chicane avec d'autres écrivains qui le sont beaucoup moins. Il nous offre donc une oeuvre, certes courte, mais d'une érudition et d'une inventivité incroyables, aux multiples clés (ou points de divergence, car comme dans Rêves de Gloire, l'un de ses ultimes romans, Roland C. Wagner ne peut s'empêcher de faire diverger l'Histoire en de multiples endroits ce qui est, somme toute, assez logique). Alors bien sûr on retrouve parfois derrière cette vie fictive beaucoup plus de Wagner que de Lovecraft, mais ce n'est pas là l'important. Bien au contraire ! L'important, c'est de lire cet auteur parti beaucoup trop tôt et qui, on ne se lassera pas de le dire, nous manque énormément.

note : III

A.C. de Haenne

lecture réalisée dans le cadre du défi JLNN !


Commentaires

  1. Mais il ne faut pas faire l'erreur de le lire au premier degré, comme j'avais pu le faire probablement au début. Faire de Lovecraft un espèce d'humaniste de gauche et d'Heinlein un nationaliste flirtant avec l'extrême droite est une savoureuse boutade de RCW que l'amateur éclairé peut au final s'amuser à débusquer avec un peu de recul et de lecture entre les lignes. Et cela fait même beaucoup rire au final !

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    1. Tout à fait d'accord avec toi ! C'est clair que ce Lovecraft post-15 mars 1937 correspond plus à un fantasme de RCW (un HPL tel qu'il aurait aimé qu'il soit) qu'à une extension de la réalité. Pour Heinlein, même s'il est mort beaucoup plus tard, pourquoi ne pas le caricaturer tout autant. Il ne devait pas aimer l'auteur de "Starship Troopers" autant que le créateur du mythe de Chtulhu (tout comme moi, d'ailleurs).

      A.C.

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