American Gothic, par Xavier Mauméjean

A Hollywood comme partout ailleurs au début des années 50, les Etats-Unis vivent sous la chape de plomb du maccarthysme. Pour concurrencer Disney, Jack L. Warner, le grand patron de la Warner Bros, décide de faire adapter un recueil de contes très populaire en Amérique, Ma Mère l'Oie. Il charge alors un obscur scénariste de son studio, Jack Sawyer, afin qu'il établisse une biographie épurée de l'auteur qui ne semble pas tout à fait correspondre aux critères moraux et politiques imposés par la société de l'époque...

illustration signée Ted Benoit
Qui est vraiment Daryl Leyland ? Qui est ce Jack Sawyer qui se dit son biographe ? Et Jacques Parisot, un traducteur français qui aurait fait la guerre de Corée avec Leyland, est-ce vraiment sérieux ? Et ce Xavier Mauméjean, existe-t-il vraiment ? Bon, pour cette dernière question, je pourrais répondre par l'affirmative, vu que je l'ai rencontré. Mais pour tout le reste, le doute reste permis. N'est-ce pas là toutefois le propre de toute oeuvre de fiction ? Planter la graine du doute dans l'esprit du lecteur et la faire germer jusqu'à la dernière page. Parce que ce roman, qui parle de la mythologie américaine en devenir (à l'instar d'un des précédents romans de Xavier Mauméjean, Liliputia), n'est peut-être qu'une simple mystification. Pourtant, elle contribue à faire comprendre, pour le lecteur français de base, quels différents moyens sont employés par une société en devenir comme les Etats-Unis pour forger une nation. Rien que le titre, American Gothic, renvoie à un des tableaux les plus célèbres d'Amérique du Nord, signé Grand Wood. Ensuite, toute la finalité de ce "roman", longue suite de documents qui se parlent les uns les autres, c'est de nous conter l'émergence dans la société américaine d'un recueil mythique, Mother Goose, qui se serait vendu comme des petits pains durant des années. Et enfin Hollywood, la grande machine à fabriquer du rêve, veut s'emparer de ce recueil  pour cimenter encore un peu plus le mythe et l'inscrire dans une sorte de réalité. Et si on ajoute à ça la machine bureaucratique qu'a été la commission dirigée par le sénateur Mac Carthy, qui pouvait envoyer en prison quiconque avait la moindre sympathie envers les communistes (laissant le choix à nombre de personnalités ou d'anonymes entre la délation, le mensonge (encore) ou l'exil) on a tous les ingrédients d'une grande mythologie moderne.

Même si ce que je vous raconte là peut paraître quelque peu abscons, je peux vous assurer que la lecture de ce livre est tout sauf cela. Le style fluide de l'auteur s'adapte à chaque "personnage" qui parle au travers d'interview, de mémos, etc. Chaque chapitre est comme une pièce d'un gigantesque puzzle. Chaque pièce s'emboîte très facilement avec la suivante pour, au final, former un formidable tableau, celui d'une Amérique rêvée. Mais par qui le rêve est-il fait, le lecteur ou bien par Xavier Mauméjean lui-même ? Pour trouver la réponse à cette question cruciale, une seule solution : lisez ce livre !

American Gothic, édition Alma Editeur, 414 pages, 22€, avril 2013

note : IV

A.C. de Haenne

A lire aussi chez :

Les Naufragés volontaires

Cachou

Commentaires

  1. Bravo !! Vraiment, je suis en pleine lecture et par moment je me dis pfff mais comment je vais chroniquer ce livre en lui rendant l'hommage qu'il mérite !!

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    1. Merci. Je suis d'accord, ce n'était pas évident. Mais il faut dire que je l'ai fini il y a deux bons mois déjà. Je ne voulais pas faire l'impasse de la chronique (je l'ai acheté, donc j'aurais pu), il a fallu que je laisse décanter cette histoire.

      N'hésite surtout pas à repasser par là quand tu l'auras terminé.

      A.C.

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