Dark Eden, par Chris Beckett

Des astronautes se sont échoués sur une planète très éloignée de la moindre étoile et plongée dans les ténèbres. Les seules sources de chaleur sont géothermiques, tandis que la lumière provient de la bioluminescence des plantes qui recouvrent une partie de sa surface. Malgré les avaries de leur vaisseau, trois membres d'équipage décident de rejoindre la lointaine Terre. Seuls Tommy et Angela préfèrent ne pas prendre de risques et demeurent sur Eden...
Moins de deux siècles plus tard, la Famille issue des deux rescapés compte à présent plus de cinq cents membres, répartis en plusieurs clans. La survie s'avère de plus en plus difficile, mais tous espèrent l'arrivée prochaine d'un vaisseau en provenance de la Terre. Tous ? Peut-être pas...

Voici bien un roman qui se mérite. D'un abord un peu rugueux, parce que le jeu sur le langage prêté aux différents protagonistes n'est pas évident à assimiler tout de suite, le lecteur expérimenté saura dépasser ces quelques écueils. Et il aura eu raison. Parce que le jeu en vaut vraiment la chandelle !

Après près de deux siècles passé sur une planète plongée dans les ténèbres parce qu'aucun soleil ne lui offre sa lumière, on peut facilement imaginer que la vie n'est pas facile. Pourtant, les nombreux membres de Famille (parce que tous issus d'un seul couple qui ne s'aimait pas au départ) survivent. Comme ils ont perdu la technologie de leurs ancêtres qui étaient capables de faire des voyages inter-stellaires, ils ont retrouvé la vie primitive des hommes des cavernes. Ainsi perdurent-ils, tant bien que mal. Cependant, l'espace où ils se cantonnent est très limité. Car les superstitions liées au Noir (c'est-à-dire l'obscurité totale qui entoure le camp primordial parce qu'il n'y a pas d'arbres autour), ajoutées aux tabous liés à une pseudo-religion qui déifie les premiers astronautes et la Terre, forcent Famille à ne surtout pas bouger de l'endroit où le premier vaisseau a atterri. Quitte à en mourir.

Parce que si cette planète est bien un nouvel Eden (plutôt ténébreux, comme l'indique bien le titre du roman Dark Eden), si les premiers astronautes restés sur la planète sont bien de nouveaux Adam et Ève, le paradis est finalement devenu un enfer. Dans le mythe primordial raconté dans la Bible, tout se passe bien pour les vrais Adam et Ève (enfin, au niveau génétique j'entends, parce qu'au niveau des relations entre les deux rejetons, c'est autre chose). Ici, bien sûr, la dégénérescence, tant physique (les tares sont nombreuses) que mentale (le langage en est l'exemple le plus marquant ; d'ailleurs, chapeau bas au traducteur, Laurent Philibert-Caillat), est partout. Certains s'en sortent, bien sûr, mais très vite ceux-ci sentent qu'il leur faut quitter Famille, au risque de ne pas être là quand les vaisseaux de Terre reviendront les chercher...

Un roman qui se mérite, assurément. Mais qui est très gratifiant pour le lecteur qui a su s’accrocher au début. Un sentiment mitigé tout de même à la fin. Le livre s'achève sur une sorte de cliffhanger qui n'en est pas vraiment un. Si une suite est publiée un jour, je la lirai avec grand plaisir, mais rien n'est moins sûr. 

Bref, un très bon roman qui décrit de façon très forte (ça m'a fait penser à un roman de Delany, L'intersection Einstein, pour le jeu sur le langage) un univers différent du nôtre, tout en parlant du nôtre, de façon allégorique. Un prix Arthur C. Clarke mérité, c'est sûr.

Un grand merci à Babelio et aux éditions des Presses de la Cité pour ce bon moment de lecture !

note : III

A.C. de Haenne


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