Le Voyage de Simon Morley (Time and Again), par Jack Finney

Simon Morley travaille dans la publicité, à New York. Il y mène une vie terne et médiocre. Alors, quand une organisation ultra-secrète soutenue par le gouvernement le recrute et lui propose de voyager dans le temps, il accepte, même s'il demeure dubitatif quant à la réalisation d'un tel projet. Pourtant, la théorie développée par le Pr. Danziger semble simple. A priori, pour remonter le cours du temps, il suffirait de s'imprégner de l'époque où l'on veut se rendre. Un peu d'auto-suggestion par l'hypnose et le tour est joué. L'objectif de Simon Morley est de rejoindre l'année 1882, à New York, afin de résoudre le mystère familial de sa compagne...


illustration d'Aurélien Police
Attention, chef d'oeuvre !

Oui, j'ai bien conscience qu'en débutant ma chronique ainsi, je me mets un peu des bâtons dans les roues et qu'il est difficile de dire quoi que ce soit sans développer un minimum. Alors, développons...

Le roman présenté ici est l'oeuvre de Jack Finney, mondialement célèbre pour son deuxième roman publié en 1955, L'invasion des profanateurs (The Body Snatchers). Sorti initialement en 1993 chez Denoël dans la collection Présences, Le Voyage de Simon Morley a reçu le célèbre Grand Prix de l'Imaginaire (1994, catégorie "meilleur roman étranger"). Il fut tout naturellement repris en 2000 dans la collection Lunes d'encre, créée par Gilles Dumay en 1999 pour remplacer Présences qui s'arrêtait. En février 2015, Le Voyage de Simon Morley ressort donc, mais il fait peau neuve, la nouvelle couverture proposant une illustration de l'incontournable Aurélien Police (la précédente étant signée Benjamin Carré).

Le Voyage de Simon Morley parle de voyage dans le temps, certes, mais ici il n'est nul besoin de machine pour réaliser le voyage (comme dans le précurseur de ce sous-genre de la SF, La Machine à explorer le Temps, d'H.G. Wells (The Time Machine, 1895) ou même dans La patrouille du temps, de Poul Anderson (Guardians of Time, 1960)). Non, ce que le personnage principal doit réaliser pour réussir son voyage, c'est la mise en condition. Il "suffit" de trouver un bâtiment actuel qui existait tel quel à l'époque que l'on cherche à atteindre. Dans Le Voyage de Simon Morley, c'est le Dakota Building qui va servir de "sas de transit" pour Simon Morley. Dans le roman (qui date de 1970, donc), il est dit que cet immeuble très connu (qui le sera encore plus vu que c'est juste devant que dix ans plus tard, John Lennon, qui y vivait, sera assassiné par Mark Chapman) est resté intact depuis 1882 (en réalité, l'immeuble sera terminé qu'en 1884). Simon s'y installe, s'habille et vit comme à l'époque (l'organisation secrète pour qui il travaille lui livre même tous les matins des journaux de l'époque pour une meilleure imprégnation). Il se coupe de son époque pour entrer dans celle qu'il vise. Grâce à l'auto-hypnose, il met dans son esprit des suggestions qui lui permettent de réussir son voyage. Et il y parvient ! Bon, je n'en dis pas plus parce que la plus belle partie de ce roman est à suivre et que je ne veux absolument pas vous la gâcher...

Écrit avec une plume très fine, Le Voyage de Simon Morley est un roman sensible qui mêle, outre les voyages dans le temps, une histoire d'amour impossible à une enquête policière assez exaltante. Une fois entamée, la lecture de ce livre est très addictive. On y entre très facilement, mais on en ressort avec beaucoup plus de difficultés. La fin, très ouverte, appelle une suite (qui existe, d'ailleurs, mais pas dans la même collection, dommage : Le Balancier du temps (1995)).

Roman mélancolique sur la nostalgie (Simon Morley n'est pas dans le "c'était mieux avant" car il a bien conscience que tout n'était pas parfait, mais exprime plutôt ici son attachement à une autre époque, à d'autres gens, autant différents l'une que les autres par rapport à sa vie d'origine, morne et terne), Le Voyage de Simon Morley est aussi une merveilleuse plongée dans un autre monde, à la fois si proche et tellement différent. Réhaussé de magnifiques photos d'époque et de dessins signés d'un Simon Morley inspiré (c'est d'ailleurs un procédé narratif très original qui n'est pas du tout artificiel, contrairement à ce qu'on pourrait croire). Ces illustrations du New York de 1882 sont d'autant plus immersives qu'elles guident au mieux le lecteur dans le voyage qu'il réalise avec Simon Morley.

Bref, un chef d'oeuvre, ni plus ni moins.

Le Voyage de Simon Morley (Time and Again) - Denoël - collection Lunes d'encre - traduction de Hélène Collon - 544 pages - 24€ - D.L. : février 2015

note : IV

A.C. de Haenne

A lire aussi les chroniques de : Les lectures de Cachou, Un papillon dans la lune

Commentaires

  1. Nom d'un chien il va vraiment finir dans ma PàL celui-ci !
    L'intrigue me plaisait déjà de base (je n'ai jamais lu cet auteur), et je ne croise que de très bonnes critiques qui semblent correspondre à mes attentes.

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    1. Je n'avais jamais lu non plus cet auteur, mais je crois que j'irai un jour faire un tour du côté des Body Snatchers et du Balancier du temps (la suite, donc). Faut juste les trouver...

      En tout cas, heureux que ma modeste chronique te donne envie de le lire !

      A.C.

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  2. Il faudra que je le lise un jour celui-là, il est dans ma wish list en tout cas.

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    1. Oui, il vaut vraiment le coup. L'écriture est très belle, en plus !

      (que je suis content de donner envie de lire des bouquins !)

      A.C.

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